Mardi 11 Juillet 2017
Le feuilleton de l'été :
Tous les dimanches et tous les jeudi, suivez les aventures de GOOD LORD (Oh Lord ! Tome 3) avant sa parution.
Extrait 5
Vendredi 13 mai 2011, Brixton
Dante plongea son
nez dans la composition florale pendant qu’ils rebroussaient chemin pour
retrouver la voiture d’Alex, garée près du local.
– Sandro, je viens d’hériter du
bouquet de la mariée, tu sais ce que ça signifie ? Cela signifie que ce
soir, c’est nuit de noces.
Alex courba les épaules.
– Chut, parle moins fort !
– Bello ragazzo, rétorqua Dante en lui pinçant le cul, arrête de
faire ta Miss Whittaker.
– Eh ! Es-tu fou, on se trouve
au milieu de Brixton !
– Et alors ? Tu crois que les
blacks se montrent plus homophobes que les blancs ? Sans compter qu’ici, également,
il y a des frères qui sont heureux de se farcir un bon bol de Chocapic.
Alex soupira comme chaque fois
qu’il jugeait ses commentaires vulgaires. Le maniérisme d’Alex ne le dérangeait
pas, il le soupçonnait même de surjouer, car repousser ses avances était sa
façon d’anticiper l’intensité de leurs étreintes.
– Je prends le volant, dit-il en se
dirigeant vers la portière du conducteur, tu es fatigué mio piccolo.
– Je pensais qu’on en avait terminé
avec les piccolos.
– Oh oh, mio Maestro est de retour, tu m’en vois ravi. As-tu des projets
concernant la garniture de mon four à pizza ?
Ignorant sa requête comme sa
boutade, Alex s’installa derrière le volant du 4X4.
– Je suis certes un piètre acteur, répliqua-t-il,
mais je connais mieux la route que toi, et c’est ma voiture.
Dante le scruta un instant,
jaugeant de son état de fatigue, avant de déposer les fleurs sur le siège
arrière et de contourner le véhicule pour gagner le côté passager. Lorsqu’il
accrocha sa ceinture, il lui vola un baiser, ce qui lui valut un nouveau
soupir.
– Tu es irrécupérable.
– Et toi, irrésistible, mio Maestro. Dépêche-toi de quitter ce
quartier hostile, que je t’offre une bonne raison de soupirer.
Sa remarque lui arracha un sourire.
Victoire.
– Ne t’identifie pas aux reproches
d’Eve, continua le peintre sur le ton de la conversation, elle n’est pas en
colère contre nous, mais contre elle-même. Elle se punit en trainant avec cette
baudruche de Gerry et qu’elle se prive des petites joies du quotidien, comme ces
roses et ces lys qui transforment ta bagnole en pot pourri, mais avec le temps,
elle va digérer ses erreurs.
– Tu es toujours tellement
compréhensif, répondit Alex, et tu as le chic pour déceler le meilleur chez tes
concitoyens sans jamais condamner leurs faiblesses.
L’émotion teinta sa voix d’accents
rocailleux.
– Je te trouve extraordinaire,
acheva-t-il.
Une déclaration enflammée en dehors
du lit constituait une première chez Alex. Dante serra tendrement la cuisse
longiligne et nerveuse de son amant et le muscle se tressaillit sous sa paume,
parce que Dieu sait qui pouvait les apercevoir. Pourtant, il ne se déroba pas.
Deuxième nouveauté.
– Je t’aime, mio Sandro, de tout mon
cœur et de tout mon corps. Avec toi, je vois la vie sous un angle différent.
– Tu veux dire, en gris ?
Dante éclata de rire. Avoir grandi
près d’une mère nostalgico-Italienne, l’équivalent anglais du
maniaco-dépressif, l’avait préparé à vivre avec Alex. Très jeune, il avait
endossé de la responsabilité de déclencher son rire, pour l’ancrer dans le
présent. Elle le surnommait « mon soleil ». Peut-être qu’avec Alex il
se contentait d’accomplir ce pour quoi il était venu au monde : remonter
le moral. Mais au fond de lui, il cultivait l’espoir de le dérider un jour, et
pas que du côté des fesses. Sandro recelait de trésors cachés derrière une
gangue de culpabilité. Pour lui, il n’y avait rien de plus facile que de
l’aider à s’extirper de ces marais. La seule difficulté était de le convaincre
de le suivre.
Ils voyagèrent en silence, les
doigts de Dante caressant affectueusement la nuque d’Alex. Ses cheveux d’ébène
possédaient la couleur et la douceur de ses pinceaux d’aquarelle. Le Kent
appelait ce médium, plutôt que l’huile, lourde à mettre en œuvre. Il
remplissait des carnets et des carnets de paysages croqués lors de ses
promenades, et découvrait le plaisir de peindre à la lumière naturelle et non
plus sous les spots de son atelier.
Ils arrivèrent peu après
vingt-trois heures. La façade était noire, tout comme l’allée, les ouvriers
ayant heurté les câbles d’électricité de l’éclairage extérieur. Alex gara la
voiture devant le palier de l’entrée principale. Dante claqua la portière. Il
ne trimbalait pas de sac, un placard personnel abritant ses affaires dans la
chambre d’Alex.
– Tu as oublié les fleurs, fit
remarquer ce dernier à Dante qui l’attendait devant le véhicule.
– Approche mio Maestro.
Il l’attira à lui pour l’embrasser,
d’abord gentiment, un frôlement, puis de plus en plus intensément, mélangeant
leurs langues pour mieux le savourer. L’effet de surprise joua pour lui, mais
trop vite, le corps frémissant d’Alex chercha à se dégager.
– On pourrait nous surprendre. Rentrons.
– Et qui espères-tu choquer ?
Enfin, Alex, ne te vexe pas, mais à vingt-huit ans tu es célibataire et tu
conduis une Land Rover Defender. Tout le monde savait que tu étais gay bien
avant mon arrivée dans le tableau.
Alex ouvrit des yeux en soucoupe,
mais aucun son ne franchit ses lèvres. Au lieu de cela, son regard naviga de
Dante au 4X4.
– Mon père a toujours conduit des
Land Rovers, je ne vois pas ce que tu juges extravagant dans ce modèle. Elle
date de 1998 ! Je l’ai achetée d’occasion il y a dix ans. Et elle est bleu
marine !
Il raffolait de cette voiture, mais,
tout à coup, et malgré la vétusté des sièges, elle lui parut exagérément
luxueuse. Une boule monta dans son ventre, il crispa les poings pour ne pas
dévorer le bout d’ongle qu’il tripotait nerveusement.
– Excuse-moi, mio Sandro, je ne pensais
pas te contrarier. Mais regarde-toi, tu es sublime et tu ne t’es pas encore
accouplé pour la reproduction. Avec la Defender, tu incarnes LE fantasme du
gentleman-farmer pédé. Les Villages people, à côté…
Alex leva la main en signe de
dénégation.
– Brisons-là, tu me mets mal à
l’aise. Quand à me rouler des pelles à tout vent, les affaires privées se
déroulent dans la sphère privée, je n’ai aucunement l’intention de me livrer en
spectacle.
– Mais nous sommes dans la sphère
privée !
Il désigna le manoir et l’ombre des
pommiers qui les entouraient.
– Nous sommes chez toi, et je
compte m’occuper de tes parties intimes, difficile de faire plus privé.
– Tu plaisantes ? Et où me
prendrais-tu ? Il n’y a même pas de banc… Seigneur, cette idée est absurde.
La pénombre, loin de masquer leurs
traits, renforçait la beauté des deux hommes. Alex, suspicieux, étudia le
visage de Dante.
– Tu me fais marcher, dit-il,
soulagé. Allez, rentrons, je rêve d’une bonne douche pour me débarrasser du
parfum du démaquillant. J’aurais dû refuser l’aide de Sonia, ses produits au
jasmin sont horriblement entêtants.
Dante lui barra la route et
s’arrangea pour le plaquer contre le flanc de l’automobile. Alex résista, se
plaignant de la proximité des roues poussiéreuses contre son pantalon à pinces.
Dante qui ne connaissait pourtant pas l’Aïkido se servit de ses mouvements pour
le retourner et malgré ses protestations, Alex finit arc-bouté, contre le
capot, Dante collé à sa croupe, les mains sur sa braguette.
– Dante, marmonna-t-il entre ses
dents, les plaisanteries les meilleures sont les plus courtes, cesse ces
enfantillages… Non !
L’italien venait de descendre son
caleçon et son pantalon, et dans le geste réflexe d’Alex pour le contrecarrer,
il avait réussi à lui retirer une chaussure en poussant sur son talon.
Résultat, non seulement ses vêtements étaient baissés, mais le gredin lui
maintenait les jambes écartées. La situation devenait très concrète pour une
blague, surtout de mauvais goût.
– Les plaisanteries sont comme le
sexe, mio Maestro, personne ne les désire
courtes. Personnellement, je les adore interminables et à répétition. Tu sens
comme je bande ? ajouta-t-il en massant son membre contre son postérieur
dénudé. Son postérieur nu ! Devant sa demeure, à la vue de tous !
– Dante ! son ton se fit
menaçant. Je te somme d’arrêter ces facéties, tu as perdu l’esprit.
Il se dévissa le cou pour épier les
alentours.
– Détends-toi, mio Sandro, il n’y a
personne à la baraque et Mme Bowen dort paisiblement dans ses draps Laura
Ashley, aucune lumière ne brillait quand on dépassé la maison de garde. Tu ne
crains rien, tant que tu ne montes pas dans les décibels.
Crin de foin ! songea le jeune
homme, il était donc sérieux ! Il tenta une ultime bravade, ce qui eut
pour effet de frotter davantage son céans contre le renflement de Dante. Le
moteur du 4X4 sous son torse irradiait sa chaleur. À la pensée qu’il allait y
passer, tous ses sens se réveillèrent en même temps et les sensations
l’assaillirent aussi sûrement que Dante qui maintenait sa nuque basse tout en
malaxant la chaire de ses fesses : les odeurs d’humus, et de verdure, la
brise discrète qui balayait sa peau, le piquant des graviers sous la plante de
son pied déchaussé, la profondeur du silence, la quiétude du paysage, et enfin,
le velouté soyeux du bâton que son propriétaire glissait contre son scrotum.
– Tu es chez toi, Sandro, tu n’as
de comptes à rendre à personne. C’est ton manoir, tes terres, ton cul, et ton mec.
Viens par ici.
Il le tira à lui pour le décoller
du véhicule, mais lui enjoignit de rester en appui sur la carrosserie tout en arquant
son dos. Ses caresses s’attendrirent, la main qui lui tenait la nuque massait maintenant
ses épaules pendant que l’autre, s’insinuant sous sa chemise, jouait avec la
sensibilité de sa poitrine. Alex frissonna, mais ce n’était pas à cause du
froid. L’aventure l’enivrait. Il jeta néanmoins un œil en direction du chemin.
La nuit les enveloppait, tout comme l’ardeur de Dante qui le submergeait. Dans
ses bras, il était invincible et… libre. Il coula dans ce bain de sensation que
lui prodigait son amant, et pour une fois il n’attendit pas que Dante l’invite
à se branler tandis que lui-même s’emparait de ses reins. Il empoigna son sexe
avec une joie enfantine. Dante se pencha sur son dos pour susurrer à son
oreille combien il était fier de lui et combien le sentir s’astiquer le menait
à l’extase. Ils prirent leur temps, ils avaient toute la nuit et la nuit était
à eux, et, avant de délivrer les derniers coups le conduisant au sommet, Dante
immobilisa celle d’Alex pour l’empêcher de jouir avec lui. Le jeune homme se
figea, conscient à l’extrême de la crosse de Dante s’enfonçant à l’intérieur de
lui, embroché sur une vague de plaisir, et les soubresauts de l’orgasme
accompagnés de râles se perdant dans le feuillage des vergers. Son homme.
Après une pause fugace, Dante retrouva
sa lucidité et sema de légers baisers sur ses omoplates.
– Je voudrais rester en toi jusqu’à
la fin des temps. Tu me rends fou Sandro.
Il se retira avec douceur,
entrainant sa semence avec lui. Alex se retourna pour l’enlacer, passant ses
bras autour de son cou. Dante le serra contre lui, respirant son odeur contre
sa tempe, là où la sueur avait salé sa peau.
– Tu réalises qu’il y a quelques
mois encore ton premier geste aurait été de te laver ou au moins d’essuyer ce
qui coule le long de tes jambes.
– Le long de ma cuisse, car, si j’avoue que tu représentes un demi-dieu pour
moi, ton sperme ne jaillit pas par litre de ta verge, bien heureusement.
– Il y a quelques mois, tu n’aurais
jamais prononcé le mot sperme à voix haute. Il me tarde d’entendre le mot
« foutre » sortir de ta bouche.
Ils échangèrent un regard, la même
image s’imposa à eux, toutes les fois où le foutre de Dante entrait dans sa bouche. Les joues d’Alex
rougirent sous le coup de l’excitation, Dante grogna une espèce de rire
lubrique. Il le guida jusqu’à l’avant de la voiture.
– Tu m’as offert le hors-d’œuvre, maintenant,
permets-moi de fournir le dessert.
Alex se libéra des atours qui
pendaient à sa cheville et ôta sa chemise sous le regard énamouré de son amant.
Obéissant à Dante, il grimpa, nu, sur le capot de la Land Rover. Dante lui
montra comment placer ses pieds sur le parechoc, les chaussettes blanches qu’il
avait gardées semblaient phosphorescentes sur la barre chromée. Il se trouvait
à l’exacte hauteur du torse de l’italien, celui-ci le goba, et, à nouveau, des
vagues de félicité le transportèrent dans une autre dimension. De temps en
temps, Dante relevait la tête pour l’embrasser dans l’intérieur de ses cuisses,
et sous la pliure de ses fesses, tout en murmurant des encouragements d’une
voix rauque.
– Ouvre les yeux Sandro, regarde
les étoiles, laisse le plaisir monter jusqu’à elles, et laisse-toi pénétrer par
leur amour. Tu es une étoile mio Sandro, une étoile parmi les étoiles, une
particule de cet univers infini et bientôt tu jouiras des poussières célestes
dans ma bouche.
Il le fit glisser sur sa langue,
alternant une poigne ferme et la volupté de ses lèvres sur le membre aimé. Alex
se cambra, écartelé, paumes faces au ciel, sublime de beauté dans son abandon.
– Je vais tout avaler mio piccolo, mio Maestro, je veux tout de toi, donne-moi, donne-moi cette partie
de toi, mio, mio…
Un gémissement s’échappa de la
gorge d’Alex tandis que son corps exultait, et que Dante le dégustait
fougueusement.
– Tu veux te rhabiller ?
demanda Dante, quelques longues minutes plus tard, tout en aidant son ami à
descendre de son perchoir.
Ce dernier sourit en coin et secoua
la tête. Il gravit les marches du perron comme s’il avait toujours vécu en
tenue d’Adam. Dante s’étonna de le découvrir aussi à l’aise, si rapidement. La
facilité avec laquelle il l’avait accompagné dans cette fantaisie le laissait
pantois et indéniablement séduit. Il récupéra le bouquet et rassembla les
vêtements et les mocassins d’Alex, qu’il lui tendit. Puis, soudainement, il le
souleva, provoquant un hoquet de surprise, puis un éclat de rire. Il se l’autorisait
rarement, parce que cela l’obligeait à révéler ses incisives qui chevauchaient
ses autres dents. Pourtant, il riait franchement et battait des jambes d’une
manière adorable.
– Chéri, dit-il en retrouvant un
peu de son sérieux, repose-moi avant de te ruiner le dos.
– Magne-toi plutôt d’ouvrir cette
fichue porte.
Le jeune homme s’exécuta
maladroitement, perdant une chaussure au passage et chiffonnant les fleurs.
– On est ridicule, protesta-t-il.
– Tu me fais confiance ?
– Ce n’est pas la question, tu
n’arriveras jamais jusqu’en haut.
– Vas-tu te taire ! J’apprécierais
quelques encouragements.
Au milieu de la volée, il stoppa,
secoué par un fou rire.
– Bon sang, les ouvriers ont annexé
des marches, je ne me souvenais pas que l’étage était si haut.
Il libéra Alex.
– Ne t’inquiète pas, je n’avais
jamais franchi le palier de la maison dans les bras d’un homme et nu comme un
vers, mais être le premier à se casser le cou dans les escaliers n’ajouterait
rien à ton palmarès.
Il caressa la joue de Dante.
– Je t’aime.
C’était la première fois qu’il
l’exprimait ainsi, en dehors de l’euphorie du coït. Dante le souleva à nouveau
et reprit son escalade. Alex s’agrippa à lui.
– Si j’avais su que cela te
stimulerait à ce point, j’aurais patienté jusqu’au lit pour exposer mes
sentiments. Mon chéri, je te préviens, il est hors de question que je meure
vêtu en tout et pour tout de mes chaussettes.
La respiration de Dante se fit
sifflante.
– Arrête de me faire rire, j’ai
besoin de toute ma concentration. Figure-toi qu’une crise cardiaque saisisse
Mme Bowen en trouvant nos corps inanimés et qu’elle s’écroule sur nous.
Personne ne comprendrait ce qu’on fabriquait tous les trois emmêlés.
– Personne, à part Eve et son
esprit tordu. Je songe à modifier une clause à mon testament afin d’être
enterré à poil.
– Vraiment ?
– Ah ! Tu vois que je peux te
faire marcher. Sérieusement, tu m’imagines, exposer cette requête à mon
avoué ?
– Dommage. Moi, je vais réclamer à ce
qu’on m’empaille en train de bander.
– Vraiment ?
– Mais non, pinguino ! Je suis pour l’incinération. Remarque, cela formerait
une jolie buche. Alléluia ! s’exclama-t-il en atteignant le palier.
Alex se faufila hors de son
étreinte.
– Je t’aime, répéta-t-il, tu
devrais t’installer définitivement à Covington.
Dante secoua ses membres pour rétablir
la circulation de son sang. Il était né et avait grandi en ville, ici il serait
hors de son élément, et dépendant d’Alex.
– Seulement si tu acceptes que je
paye un loyer, mais cela ne résout pas le problème du travail.
– Tu me fais confiance ?
Il hocha la tête, dubitatif.
– Dans ce cas, j’ai peut-être une
idée.
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